Les rebelles du M23 ont finalement jeté l’éponge par l’annonce de leur défaite le 6 Novembre 2013. Tout compte fait, une nouvelle ère s’ouvre pour les populations de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Le Réseau Foi et Justice (Africa Faith and Justice Network) basé au Etats-Unis, fondamentalement attaché aux idéaux de justice et de paix, se réjouit de la fin des hostilités et partage la joie des populations.
Le mérite de la victoire sur les rebelles du M23 va en partie à l’endroit de la communauté internationale, et plus particulièrement aux Etats-Unis et certains pays européens qui ont exercé avec dextérité une pression diplomatique sur le Rwanda et l’Ouganda, les parrains et instigateurs de la rébellion.
Il est de toute évidence qu’aucun rapport ne pourrait appréhender d’une manière exhaustive toute l’étendue des souffrances que les populations ont endurées sous le joug du M23. Aussi, nous appelons de tous nos vœux la communauté internationale à saisir cette nouvelle donne pour consolider la paix et reconstruire les moyens de subsistance des populations. Notre organisation impliquée dans la recherche de la paix en DRC depuis 1996 souhaite que la défaite de M23 puisse enfin mettre fin aux guerres par procuration du Rwanda contre le peuple de la RDC. Nous déplorons la perte de nombreuses vies humaines avant la reddition des rebelles du M23 aux autorités ougandaises.
Pour les nombreux crimes de viol, d’assassinat, de recrutement forcé et d’utilisation d’enfants soldats dans les zones occupées, les rebelles du M23 doivent assumer l’entière responsabilité et répondre de leurs actes. Un autre cas d’exactions est sans doute les massacres de Kiwanja les 4-5 Novembre 2008 par le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP). Nous réclamons justice pour les victimes et leurs familles. Le 24 Octobre 2013 nous avons organisé en collaboration avec l’Église presbytérienne des Etats-Unis, une audition avec les responsables du Département d’Etat pour attirer leur attention sur la responsabilité des certains citoyens et entreprises américains impliqués dans le financement des rebelles en RDC. Nous voulons que leur responsabilité soit établie et punie conformément à la loi en vigueur.
Nous dénonçons énergiquement toute ambition du Rwanda et de l’Ouganda de récupérer le défunt mouvement du M23 dont les soldats ont déposé les armes. L’effectif de 1.500 combattants, un chiffre que le gouvernement ougandais annonce avoir franchi la frontière est sujet à caution. La même préoccupation a été exprimée par le gouvernement congolais. Il y a lieu de réexaminer les faits, pour éviter le piège d’une réintégration systématique des étrangers membre du M23 dans l’armée congolaise. Nous en savons déjà quelque chose. En 2009, les soldats rwandais qui ont combattu dans les rangs du CNDP ont été intégrés dans l’armée congolaise avec des conséquences désastreuses.
Comme par le passé, notre organisation a attiré l’attention du gouvernement congolais et la communauté internationale, notamment les Etats-Unis et d’autres personnes impliquées dans les efforts diplomatiques pour la paix en RDC, que l’intégration des rebelles dans l’armée congolaise, sans un processus crédible d’identification des combattants est une vraie menace pour la paix à long terme.
Pour y parvenir nous recommandons les mesures suivantes à toutes les parties prenantes dans les efforts de paix en RDC (en particulier les États-Unis):
- Identifier soigneusement chaque combattant du M23 capturé avant ou après la démobilisation pour voir s’il remplit les critères d’intégration dans l’armée. Ce processus doit impliquer les populations locales et même faire des tests d’ADN pour les suspects.
- Exiger en conformité avec les lois et traités internationaux, l’extradition de tous les combattants du M23 résidents actuellement au Rwanda et en Ouganda, et aussi tous les anciens dirigeants du CNDP, comme Laurent Kunda.
- Soutenir le processus démocratique dans les pays d’origine des rebelles afin de faciliter leur réinsertion, en particulier le cas du FDLR rwandais, le FNL burundais et l’ ADF – NALU ougandais (actuellement soupçonné d’avoir des liens avec le groupe somalien d’ Al- Shabab ).
- Mettre en place des mécanismes de sanctions contre le Rwanda et l’Ouganda s’ils continuent à déstabiliser la RDC.
- • Conduire une enquête internationale pour établir les partenaires financiers des rebelles du M23 et les traduire en justice.
- Assurer la récupération de toutes les armes cachées dans le Parc National des Virunga par les rebelles duM23 / CNDP, leur existence a été documentée dans le ” Rapport intérimaire du Groupe d’experts des l’ONU sur la République Démocratique du Congo» /2009/253, paragraphes 33-34.
- Dans l’esprit de l’accord-cadre de paix signé par les onze pays de la sous-région en Février 2012, poursuivre en justice tout financiers des rébellions en RDC, soit-il des individus, des institutions ou pays étrangers, afin de consolider la paix en DRC une pour toute. Nous citons en particulier le Rwandais Claude Nsengiyumva et ses partenaires à Boston, Massachusetts / Etats-Unis responsables de l’expédition des uniformes militaires au CNDP, transformé en M23, en Octobre 2008 comme indiqué dans le «Rapport final du Groupe d’experts de l’ONU sur la République Démocratique du Congo ” paragraphe 28.
- Encourager les réformes institutionnelles en RDC, y compris le respect de la constitution et la tenue des élections locales.
- Faciliter la mise en place de la Cour Spécialisée Mixte, recommandée par le groupe d’experts de l’ONU dans leur « Rapport Mapping » publié le 1er Octobre 2010, pour juger les responsables des grave violations des droits de l’homme en RDC.
- Opérer une reforme de la justice et du secteur de la sécurité, pour rendre justice aux victimes des viols, citons ici le cas de Minova en Novembre 2012 par l’armée congolaise, et le cas du major-général Gabriel Amisi Kumba dit Tango Four accusé d’avoir, entre autres, fourni des armes aux rebelles, alors qu’il commandait l’armée congolaise. (Envoyer vos commentaires àafjn@afjn.org)