L’anéantissement du groupe rebelle du M23, n’aurait pas été possible sans les modifications de la politique étrangère opérées par les gouvernements de certains pays qui jadis avaient ignoré les guerres d’agression du Rwanda et de l’Ouganda contre la RDC.
Le plus ardent vœu de tous est que le président Barack Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry continueront de faire de la République Démocratique du Congo (RDC) une de leurs priorités en matière de politique étrangère. Contrairement aux présidents précédents et surtout poussé par une pression grandissante du plaidoyer des organisations de défense des droits de l’homme, congolais et internationaux, en l’occurrence Africa Faith and Justice Network, Friends of the Congo, Enough Project , Jewish World Watch, Panzi Fondation, et Human Rights Watch , le président Obama a revisité les assises de sa politique dans la région et a finalement adopté une stratégie de fermeté vis-à-vis du Rwanda.
Cette nouvelle stratégie s’articule autour des points suivants :
- La nomination du sénateur Russ Feingold comme l’envoyé spécial des Etats-Unis pour les Grands Lacs, conformément à la loi des USA du 2006/ 109-456
- Le 18 Décembre 2012 Le président Obama a personnellement appelé le président Paul Kagamé du Rwanda et lui a signifié l’importance combien capitale de mettre fin de façon permanente, tout soutien aux groupes armés en RDC » (cf. Le département de la Presse de la Maison Blanche, 18 Décembre 2018).
- En Juillet 2013, lors de son voyage en Tanzanie et en Afrique du Sud, Le président Obama s’est encore penché sur la crise en RDC.
- Suite à la publication du rapport de l’ONU« Addendum, le rapport intérimaire du Groupe d’experts sur la République Démocratique du Congo ( S/2012/348 Add 1 ) » faisant mention du soutien du Rwanda au M23 , les États-Unis ont gelé une somme de $ 200,000 destinée au Rwanda.
- En Octobre 2013, conformément à la Loi sur la prévention des enfants soldats de 2008, l’administration Obama a suspendu son aide militaire au Rwanda pour cause de soutien au M23 qui recrute des enfants soldats.
Dans la logique des efforts conjugués pour un règlement pacifique de la crise en RDC, l’ extirpation des rebellions de parrainage et d’obédience rwandaise, il faut absolument souligner le concours d’éminentes personnalités passées et présentes du Sénat américain en l’occurrence Dick Durban , Chris Coons , Sam Brownback, certains membres de la Chambre des Représentants comme Carolyn McCarthy, Gwen Moore , André Carson, David Scott , Maxine Waters , Jim McDermott , Barney Frank et beaucoup d’autres qui ont contribué à inscrire la crise en RDC sur l’agenda des préoccupations de la politique internationale . En Europe, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suède ont fait figure de pionniers en prêtant une main forte à la RDC et citant nommément le Rwanda comme parrain et catalyseur important dans le conflit.
Deux événements majeurs en 2010, même si ils sont antérieurs à la création du M23, ont changé la donne dans la diplomatie et les efforts de plaidoyer pour la paix en RDC. Tout d’abord, la publication du rapport Mapping de l’ONU le 1er Octobre , qui a mis au grand jour certaines des violations les plus graves des droits de l’ homme, du droit international humanitaire, des crimes de guerre et crimes contre l’humanité en RDC, depuis Mars 1993 jusqu’en Juin 2003. Deuxièmement, l’adoption par le Congrès américain de la loi sur les minerais de conflit en RDC (Dodd – Frank, section 1502) faisant parti de la lois sur de réforme des finances publiques et de protection des consommateurs, ce qui a considérablement a paralysé le flux de devises pour les rebelles et l’armée congolaise dans le commerce illicite de minerais dans l’Est RDC.
Les éléments d’information sur les crimes commis en RDC sont énumérés dans le rapport Mapping des Nations Unies, et la communauté internationale se doit d’appuyer les conclusions du rapport qui stipule qu’il ya vraiment eu un génocide en RDC, et il ya lieu d’établir un Tribunal Spécial pour répondre aux attentes des populations et guérir leurs blessures.
Il est de toute évidence que la violence généralisée, en particulier contre les femmes, et la longue crise sont dues à la mauvaise gouvernance, la faiblesse des institutions démocratiques, mais également au manque de volonté affichée de la communauté internationale dans l’intervention des Nations Unies. Et pour cause, les Casques bleus ont librement cohabité avec les groupes rebelles dans différents villes et villages, ont été témoins de viols collectifs, de meurtres de civils par des rebelles et l’armée congolaise sans coup férir. Cette inaction consacre sans équivoque l’échec de l’ONU en RDC. Nous osons espérer que l’annonce faite par le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en RDC, Martin Kobler, après la libération de la région de Rutshuru ( Nord-Kivu , près de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda ), va enfin imprimer une nouvelle dynamique pour les forces de maintien de la paix des Nations Unies contre les rebelles du M23.
Sur un autre registre, nous pouvons dire que la défaite du M23 est aussi le fruit de certaines décisions prises par le gouvernement congolais dont la substance porte sur les éléments suivants :
- La suspension du chef d’état-major des Forces Armées Terrestres, le général Gabriel Amisi Kumba connu sous le nom « Tango Four » pour avoir fourni des armes aux rebelles,
- Le rappel de plusieurs officiers de l’armée de la ligne de front à Kinshasa, dont certains sont d’anciens rebelles intégrés dans l’armée nationale,
- L’expulsion de l’Ougandais, le brigadier général Geoffrey Muheesi, membre du Mécanisme conjoint de vérification de la mission en RDC pour ses relations partisanes et clandestines avec le M23,
- Le refus d’accorder l’amnistie générale aux rebelles du M23 dans le cadre du processus de négociation à Kampala
Même avec la défaite du M23, la RDC demeure toujours vulnérable aux forces de déstabilisation, fussent-elles internes or externes. Ainsi, l’accord-cadre pour la sécurité et coopération en RDC, signé par les 11 nations de la sous-région en Février 2013 pourrait être un guide essentiel de concertation des dirigeants régionaux dans la recherche d’une paix durable.
La communauté internationale doit intensifier ses pressions diplomatiques sur le Rwanda et l’Ouganda. Ces deux nations doivent strictement honorer leurs engagements vis-à-vis de la communauté internationale de ne pas être un havre de paix pour les déstabilisateurs de la RDC. Nous invitons la communauté internationale à aller dans le sens de l’appel du président Jakaya Kikwete de la Tanzanie, invitant ses pairs du Rwanda et de l’Ouganda à négocier avec les rebelles rwandais et ougandais opérant sur le territoire congolais. Cela est également de mise pour le Burundi en raison de la présence de rebelles burundais dans la province du Sud -Kivu en RDC.
En dernière analyse, il convient de noter que le gouvernement de la RDC se doit d’améliorer le processus démocratique afin d’assurer un renforcement rapide des institutions qui sont nécessaires pour une paix durable, la stabilité et le développement du pays.
Pour tout commentaire, veuillez envoyer au courriel: bahati@afjn.org
Par Jacques Bahati